L'attractivité touristique d'un pays passe, pour beaucoup, par le dépaysement qu'il procure à peine débarqué. Un ressenti qu'on apprécie quasiment partout dans le monde. De moins en moins à Paris.

Un aéroport international est par essence, par principe, un lieu de brassage de populations diverses, d’origines et de couleurs de peau différentes. Le vaste melting-pot bigarré d’une Humanité en mouvement.

Pour ma part, j’en ai fréquenté (et en fréquente toujours) des dizaines, des centaines partout dans le monde. Pour la seule année 2016, mon passeport est estampillé de visas d’entrée au Vietnam, au Chili, en Indonésie, Turquie, Russie…

Je voyage beaucoup pour des raisons professionnelles. Cette précision pour couper court à toute contestation de l’objectivité dont je me prévaux ici. J’ai énormément bourlingué depuis 50 ans, cela vous donnera une indication sur mon âge et, probablement, la pertinence de mon propos instruit de mille et une expériences. De ce point de vue, je suis bien un citoyen du monde restant néanmoins très attaché à mon pays, donc préoccupé par les bouleversements qui s’y opèrent.

Revenons à ces aéroports internationaux. Quand vous vous y posez, vous êtes pris dans le brassage cosmopolite des milliers de voyageurs qui s’y croisent. Mais une fois les formalités policières et douanières passées, vous vous retrouvez rapidement en prise directe avec votre destination d’accueil. À New Delhi (Inde), à Jakarta (Indonésie) ou à Istanbul (Turquie), vous n’êtes plus qu’un petit point blanc perdu dans la masse d’une population aux morphologies et tenues vestimentaires plutôt homogènes. Vous l’êtes plus encore si vous empruntez les transports en commun pour rejoindre les centres villes. Dépaysement assuré moins d’une heure après votre atterrissage, tant vous êtes bien différent de celles et ceux qui s’y entassent.

Il en est de même au Brésil, pays de métissages infinis, de visages noirs comme l’ébène, blancs comme l’ivoire, et de toutes les teintes intermédiaires. Cette foule métissée où personne ne ressemble à personne est néanmoins unie par un socle commun ne laissant aucun doute sur leur appartenance à une même communauté : la langue que tout le monde partage ici.

Quand j’atterris à Rio et plus encore à Abidjan, New Delhi, Istanbul… je perçois immédiatement dans quel pays je suis, les morphotypes de la population locale et la langue pratiquée.

Ce sentiment est tout autre quand je reviens en France. Si au débarquement le fourmillement de populations hétéroclites domine comme ailleurs, très rapidement la confusion s’installe, particulièrement quand j’emprunte la ligne B du RER qui relie l'aéroport Charles de Gaulle (CDG) au centre de Paris. À certaines heures et certains jours, il m’arrive d’être le seul blanc dans le wagon qui me transporte. Et même si nous sommes plusieurs, nous deviendrons minoritaires puis quasiment invisibles à mesure que la rame file en direction de la Gare du Nord.

Cette étrangeté m'indifférerait si je percevais autour de moi un sentiment d’appartenance, tel que celui que je ressens au Brésil ou ailleurs. Mais nous en sommes loin. Toutes les origines s’y côtoient : Des Africains et nord-Africains (en très grand nombre évidemment), des asiatiques (Sri lankais, Chinois…), des Européens de l’est et maintenant des Syriens, Afghans, Soudanais… Le trouble est d’autant plus ardent que tout ce petit monde s’exprime souvent, en groupe ou au téléphone, dans sa langue maternelle. On constatera que ceux qui utilisent leur mobile le font généralement sans discrétion, bien conscients que la plupart des personnes qui les entourent ne saisissent pas la teneur de leurs propos.

Car comme le disait le regretté Pierre Desproges dans son phrasé troisième degré : « Les étrangers sont assurément moins intelligents que les Français. Ils ne se comprennent même pas entre eux ! ».    

Si je me mets à la place d’un touriste débarquant en France et empruntant la ligne B du RER, je l’imagine bien incapable d’identifier à l’instinct le pays où il vient de poser les pieds. Il mettra du temps avant d’entendre parler français couramment autour de lui. Et il en mettra plus encore à concevoir que la France reste (pour combien de temps encore ?) un pays habité majoritairement par des blancs.

D’ailleurs, à certaines heures et certains jours, à aucun moment de son parcours il ne peut être assuré d’être en Europe occidentale, y compris quand il emprunte le métro. Il m’est arrivé de rejoindre mon domicile parisien en me demandant si la pratique du français n’avait pas été, le temps de mon séjour à l’étranger, proscrite et les blancs expulsés de la région Île-de-France. J’exagère à peine.

Outre les caractéristiques ethniques décrites plus haut, cette fameuse ligne B du RER - qui constitue souvent le premier contact d’un touriste avec la France - est le territoire de chasse de nombreuses bandes malintentionnées : Individus en quête de larcins (les touristes fraîchement débarqués sont des proies faciles) et racailles qui montent par paquets de dix pour y faire régner leur loi. Si je n’ai jamais été agressé (juste témoin de situations tendues, parfois périlleuses), l’insécurité est palpable. Mieux vaut se faire discret, éviter de croiser certains regards. Très sincèrement, je me sens plus oppressé dans mon propre pays que lorsque je débarque ailleurs, loin de chez moi, dans un endroit dont je ne connais ni les coutumes ni la langue. C’est un sentiment très paradoxal et, disons-le, fort désagréable.

Nous sommes nombreux, très nombreux à le ressentir. Pas seulement des blancs qui s’estimeraient menacés par cette invasion. Je compte dans mes relations professionnelles une multitude d’amies et d’amis de toutes origines qui partagent ce ressenti. D’ailleurs, rares sont celles et ceux, blancs, jaunes, noirs, colorés, à emprunter les transports en commun pour regagner leurs pénates après un atterrissage à CDG. Je fais figure d’OVNI !

La plupart tire le même constat. Ils ne l’expriment que discrètement au détour d’une conversation, par crainte d’être taxé de racisme ou de xénophobie, même quand ils sont de couleur. Il est de mauvais ton en France d’aborder des vérités qui dérangent. C’est l’omerta !

Si vous l’exprimez, vous trouverez toujours sur votre chemin une belle âme qui s’en offusquera ; la même qui, quand elle voyage, recherche le dépaysement à tout prix. À peine descendue de l'avion, elle aspire à s’immerger dans l’ambiance du pays visité. Si c’est possible quasiment partout dans le monde, ça ne l’est assurément plus entre CDG et Paris ! Mais ça, le « bien-pensant » ne peut l’admettre.

Je terminerai sur une note plus pessimiste. Le tourisme est la première activité économique dans le monde et en France. Les deux principaux employeurs de la région parisienne opèrent dans ce secteur : ADP (Aéroports de Paris) et Disneyland. On estime que, directement ou indirectement, un Francilien sur 10 tire ses revenus du tourisme : Commerces, transports, hôtellerie et hébergements divers, restauration, culture et loisirs (musées, parcs d’attractions…), centres de conventions et d’expositions… Cette activité est vitale pour notre pays et sa capitale.

Mais que recherchent les touristes qui visitent la France et Paris ? Un melting-pot de populations diverses et indéfinies ou un contact avec des indigènes dont on apprécie les traditions, la culture, la gastronomie et le savoir-vivre ?

Que cherchez-vous quand vous voyagez ? Des Africaines déambulant en boubous au cœur de l’Asie, des Chinois faisant commerce en Afrique, des Indonésiens en Australie ou des Russes en Turquie ? Aspirez-vous à déguster un mafé (plat traditionnel sénégalais) à Marrakech, un couscous à Mexico, une paella à Varsovie ?  

La perte d’identité dont témoigne ce syndrome Charles de Gaulle pourrait porter un coût fatal à l’attractivité touristique de la France, nos visiteurs n’y trouvant plus matière à satisfaire leur intérêt pour un pays riche de son histoire, de ses traditions… et de sa population indigène. Pas plus que les Français eux-mêmes d’ailleurs…

Charles Fiori - pour Toptrip.tv

Note de la rédaction : En 2016, Paris/Île-de-France a perdu 1,5 million de touristes. Lire aussi notre article d'août 2016 : Le tourisme français va payer au prix fort notre laxisme.

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