Quel point commun entre le Domaine national de Chambord, le Vaucluse et une grande destination asiatique ? Des actions de com’ qui font pschitt !
Professionnels de la communication voici trois exemples à ne pas suivre. Entamons notre exposé par le Domaine national de Chambord, un haut lieu du tourisme français.
Les inondations catastrophiques qu’a connu la France en juin n’ont pas entamé l’enthousiasme du service com’ de Chambord qui s’est empressé d’adresser aux médias des photos du château cerné par les eaux.
À la vue des images, tout un chacun pouvait craindre le pire pour l’édifice. Mais le communiqué de presse n’y faisait aucune allusion. Au contraire même, ses rédactrices positivaient :
«Paradoxe de ces catastrophes naturelles, elles nous donnent une représentation de ce que François 1er voulait pour Chambord, un château cerné par les eaux, celles qu’il aurait voulu détourner de la Loire».
Le lendemain, elles récidivaient adressant à la presse une vidéo fanfaronne intitulée «Chambord surgissant des eaux» permettant de mesurer l’ampleur du phénomène. Les inondations présentaient alors une opportunité pour communiquer sur le Domaine national, lui assurant de la pub à moindre frais. Cette fois encore, aucune allusion aux possibles dégâts subis par ce monument plusieurs fois centenaire.
Il faudra attendre quelques jours avant que ne soit évoquée la dure réalité… calamiteuse. Oubliées les belles images du monument triomphant de la crue, l’heure est aux lamentations :
«Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, se rend à Chambord le jeudi 9 juin. De nouveaux dégâts viennent d’être constatés à l’intérieur du château. Vous trouverez ci-joint un communiqué de presse sur le risque d’effondrement du dépôt lapidaire et la campagne d’appel à la générosité publique.»
Aïe Aïe Aïe, ça ne rigole plus ! Panique à bord du Chambord Titanic qui sombre au milieu de ses pelouses et jardins submergés. En moins de trois jours, nous sommes passés d’une communication événementielle plutôt guillerette, à une communication de crise. Le grand écart. Il aurait été souhaitable d’être plus mesuré dans les premiers envois, le second effet Kiss Cool étant prévisible. À combien de millions se montera la facture ?
Lire notre article illustré de photos et d’une vidéo : Quand Chambord se prend pour Chenonceau.
Autre opération hasardeuse, celle du Vaucluse. Le 1er avril (ça ne s’invente pas !), l’agence de com’ du département faisait parvenir à un listing de journalistes une invitation à «découvrir le Vaucluse» à laquelle la rédaction de Toptrip répondit par la positive. Le 4 mai, plus d’un mois après, nous recevions une réponse négative qui peut s’entendre. Le nombre de places disponibles étant limité, le service communication a certainement privilégié les médias les plus en vue. Ne pouvant rivaliser avec Le Figaro ou l’Obs, nous considérons cette décision fondée.
Cependant, il aurait été préférable de sélectionner les journalistes «prioritaires» avant d’adresser une invitation à une liste élargie. On peut imaginer que les éconduits s’en trouvèrent quelque peu échaudés, pour ne pas dire blessés. Passons !
Quelle ne fut pas notre surprise de recevoir le 7 juin un nouveau mail :
«Nous vous invitons à découvrir le Département de Vaucluse. Le dossier de presse (téléchargeable via ce lien) vous propose une traversée gourmande au cœur de la Provence, à la rencontre de villages de caractère, de vignobles réputés, de produits gorgés de soleil et de chefs étoilés ! C'est dans cette palette de couleurs et de saveurs que vous pourrez peut-être puiser l'inspiration pour la rédaction d'un sujet d'actualité».
En d’autres termes, voici le programme auquel vous avez été recalé mais que vous êtes autorisé à évoquer dans vos journaux et sites. Ben voyons, elle est bien bonne celle-là !
Pour résumer : Le département vous invite à le découvrir, ne retient pas votre «candidature» et vous adresse un dossier à partir duquel il espère que vous rédigerez un article.
Notre conseil : Quand vous organisez un voyage, évitez d'y convier tout un listing de journalistes au risque de décevoir ceux que vous ne retiendrez pas. Conviez-y les personnes attendues d'entrée. Après tout, cet écrémage relève des prestations de base d’une agence conseil en relations presse. Dans le cas qui nous intéresse ici, la procédure est pour le moins «vexatoire» et probablement contreproductive.
Dernier exemple. Cette fois, la rédaction de Toptrip a bien participé à un voyage de presse à l’autre bout du monde, en Asie. Destination dont nous tairons l’identité car cette découverte fut aussi sympathique que décevante… De quoi nous plaignons-nous alors ?
Le thème initialement prévu était l’offre écotouristique du pays en question (tourisme vert, tourisme durable). Mais quelques jours avant d’embarquer, tout le programme fut modifié. À défaut d’écotourisme, les journalistes découvriront les embouteillages monstrueux d’une capitale de 25 millions d’habitants (dotée néanmoins de quelques attraits remarquables), les bouchons tout aussi denses d’une grande métropole de province (qui présente nettement moins d’intérêts) et les pare-choc contre pare-choc d’une île jadis paradisiaque devenue une destination prisée du tourisme de masse hyperconsumériste. Ce voyage ne comportait pas un lieu, pas un site, pas une infrastructure en lien avec le thème initial.
Toptrip étant de ceux qui ne connaissaient pas la destination, nous avons apprécié ce premier contact. Néanmoins, comme la plupart des journalistes présents, nous n’avons pu trouver un angle d’attaque original pour rédiger un article apportant une vraie plus-value. Lors de ce voyage, nous avons tout vu et tout vécu au pas de charge : visites de temples et de musées, spectacles, séjours plage, gastronomie… et des heures perdues dans notre minibus.
Nous n’aurons pas l’indélicatesse de pleurnicher sur notre «pauvre sort» quand même ! Cependant, nous nous interrogeons : L’office de tourisme va-t-il rentabiliser cette opération ? Les retombées presse seront-elles à la hauteur de l’investissement ? Peu probable ! Si nous nous fondons sur ce que nous avons vu, nous ne ferons qu’enfoncer des portes ouvertes… depuis des années. Nous n’apporterons rien de nouveau à nos lecteurs. Et moins encore si, à l’instar de Toptrip, nous travaillons en vidéo.
Quand on sait à combien se chiffre un aller-retour vers l’Asie sur une compagnie régulière, sept nuits d’hébergement en hôtels 4 ou 5 étoiles, les repas et les transports… ceci pour une quinzaine de personnes et leurs accompagnants, on imagine sans peine que l’opération de com’ présente une rentabilité des plus limitées. D’autant qu’elle peut, là encore, s’avérer contreproductive si les invités ne retiennent que les aspects négatifs du voyage. Il y en a eu puisque le thème n’a pas été respecté. Les journalistes spécialisés en écotourisme sont restés sur leur faim et ceux mandatés par leur rédacteur en chef pour explorer cette voie reviennent bredouilles.
Pour notre part nous gardons un excellent souvenir de ces 8 jours de… vacances. Mais tel n’était pas le but !
Nos conseils (gratuits et désintéressés) :
• Chambord : Trop de com’ tue la com’, plus encore si on enquille communication opportuniste et communication de crise sur un même sujet et dans un délai très court (2 jours).
• Vaucluse : Mieux vaut cibler les bonnes personnes que d’en solliciter des dizaines et n’en retenir que quelques-unes. Vous risquez de froisser quelques susceptibilités. Et Dieu sait si les journalistes le sont… susceptibles.
• Destination asiatique : Il est très généreux d’offrir une semaine de vacances à des journalistes, encore faut-il leur fournir les cartes postales promises. Sans cela, ils n’écriront rien ou le stricte minimum. D’autant qu’en l’absence d’informations et/ou de photos originales, les pigistes (payés à l’article rédigé) auront bien des difficultés à «vendre» leurs productions à des magazines ou sites. Chez les pigistes, les congés ne sont pas payés !
Texte & Photos Toptrip.tv (à l'exception de Chambord).
• Un quatrième en prime. Cette fois, c'est Poitiers qui lance une invitation groupée aux journalistes (le 10 juin 2016) pour ne retenir que ceux de la "presse papier", nous précise-t-on après avoir fait acte de candidature. Pros de l'Internet et de la vidéo, vous ne passerez pas par Poitiers, foi de Charles Martel ! Pour ceux qui n'ont pas saisi l'allusion, replongez-vous dans vos manuels d'Histoire. ;-)
• Et un cinquième en date du 21 septembre 2017 : Une fausse invitation (mais une vraie pré-sélection) provenant du bureau de presse Pascale Venot, pour son client la Fondation Abbaye de Royaumont (dont nous avons déjà parlée sur Toptrip). Là encore, invitations adressées à la volée à un large panel de journalistes, puis sélection progressive par questions/réponses. Quand on lance une invitation (1), ce n'est pas pour dire aux personnes concernées : "Comme vous apportez de la bière et que nous préférons le vin, on se passera de votre venue". ;-)
(1) Action d'inviter, de prier de venir (Larousse).
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